Novembre 2017 : « Discernement et le hashtag #metoo »

30 octobre 2017

Le discernement est une vertu fondamentale... quand il est bien réfléchi. Il peut pourtant être aussi un processus débouchant sur un échec total si on ne tient pas compte de tous les éléments qui entrent en jeu, et si les priorités ne sont pas bien établies. Vous prenez le chemin de Saint Jacques et par quelques « indices » vous essayez de discerner quelle est la bonne route. Si vous n’élaborez pas bien vous prenez le risque de vous retrouver au mont Saint Michel. C’est beau et saint, mais ce n’est pas saint Jacques. Vous pouvez aussi finir au désert des Monegros et là, mourir de soif... La vie est un pèlerinage, mais « On peut librement rater la vie ». Non seulement parce qu’on décide d’être « errants » mais pire encore, parce qu’en voulant arriver à notre but, nos discernements sans doute n’étaient pas les justes. C’est de cela que nous voulons parler d’autant qu’il semble être un mot ecclésial à la mode. Dans les carrefours de la vie il faut savoir discerner. Et discerner bien. Voici quelques éléments :

"Il n’y aura jamais de vent favorable pour celui qui ne sait pas naviguer". La vie est un pèlerinage au cours duquel il y a ceux qui en marchant s’encombrent de tellement de choses futiles qu’ils s’arrêtent en route et finissent par prendre les étapes pour la fin... et d’autres qui se débarrassent de ce qui les encombre et alors l’essentiel se manifeste. En cette libération émergent les dimensions les plus belles de l’être... Le «   GPS   » du discernement n’est pas seulement le satellite extérieur. Il y a aussi quelques signes essentiels qui viennent du dedans... La conscience confirme dans la suite des actes bons que le lieu vers lequel on va est déjà en nous. A fur et à mesure qu’on entend dans le sanctuaire intérieur la voix de Dieu on vérifie non seulement la bonté de l’acte, mais aussi l’homme s’éveille à son vrai Je. Il se retrouve soi-même (cf. Vatican II, GS24).

Un théologien a comparé dans des récents débats la conscience à un GPS. Il disait que dans le cadre de la relation au Dieu miséricordieux, Il nous prend là où nous sommes pour nous ramener au but final de notre vie. Cela est vrai du point de vue de Dieu... Le don de l’Amour et les entrailles de miséricorde de notre Dieu le font sortir en permanence de la maison pour chercher la brebis perdue au prix de sa vie  ! Un élément important pour un bon discernement c’est de savoir que gratuitement, par pure grâce de Dieu, il s’unit par le mystère pascal à tout homme (cf. Vatican II, GS22). Certains, dit le Pape François, gomment cette partie du discernement ; pour eux "Dieu, au lieu d’être un GPS, est un poste frontière ou un bureau de douane" (EG). En même temps l’image du GPS de Dieu pourrait être interprétée de manière erronée ... puisque à l’accueil, conscient du GPS divin, il est radicalement nécessaire de faire attention au discernement qui vient du sanctuaire intérieur. Ceux qui sont dans la vérité écoutent ma voix (cf. Vatican II, DH11). C’est seulement quand l’appel divin "au-delà de nous" nous arrive armé de cette détermination forte pour faire la vérité que se révèle le vrai "Je" dans la conscience : alors le discernement mène vers le but de Dieu. Le Royaume de Dieu est «  en  » nous.

Discerner passe pour oser se placer devant la vérité du bien. La gommer rend le GPS oxydé. Aveugler la conscience n’est pas seulement possible mais trop souvent une dramatique réalité. Combien de jeunes et moins jeunes ratent librement leurs vies. Le pire c’est qu’ils le font «  avec la meilleure bonne volonté du monde  ». Ils sont cool, tolérants, gentils. Leurs désirs émotifs sont souvent encadrés dans un certain respect des autres, mais leurs discernements fragmentaires les mènent souvent à des états dépressifs. Le meilleur des mondes n’est pas encore là.

Discerner « oui », mais qu’est-ce que discerner  ? Faire avec détermination un exode de soi vers Lui. Le pèlerin apprend sur cette route et il vérifie dans sa conscience «  le vrai repos  » (Mt 11,28). Cela est essentiel pour un vrai discernement. Suivre le Christ avec toutes ses lois et conseils, devient communion de cœurs et divinisation de la pensée et du cœur. On commence à vivre la passion d’amour de notre Dieu. Quand le pèlerin de la vie en est là, il arrive à discerner que tout n’est qu’ «  ordures  » devant la connaissance de Christ Seigneur. Le discernement se purifie pour être source d’action de grâces et de glorification. Rendre heureux Dieu.

L’un des drames de notre église est quand les pasteurs à qui l’on confie un discernement n’ont pas une notion vivante du vrai but du chemin. Un christianisme cool peut condamner beaucoup de baptisés à rester aveugles aux merveilles du vrai « Je » habité par Lui. Et du coup, incapables d’avancer. S’ils ne se trompent pas du but ils risqueront de changer l’étape en but. Quel drame  ! Ce sont seulement ceux qui sont confrontés à la vérité qui peuvent faire le bond en avant de l’Esprit. Vaincre la chair par l’Esprit et devenir responsables des autres par amour. Combien de discernements risquent de faire échouer la vraie vie. 

De « pasteurs cool » qui épargnent aux pèlerins le vrai « Je », il y en a trop. Comment l’église pourra proposer au monde le véritable amour chaste face à toutes ces vagues dont le hashtag « #MeToo » se fait l’écho, si eux-mêmes sont incapables de jouir de la joie de la chasteté  ? Avec le corollaire de ne pas être capables de traiter les victimes avec justice. Sans vérité nous sommes tous condamnés à l’émotivité.

L’importance du bon ou du mauvais discernement se comprend à l’aune des résultats : quand l’Eglise éveille les hommes à l’amour pur du don de soi, la société respire. Quand elle laisse les chrétiens dans des «  réserves de médiocrité  » et quand elle-même cache en son sein ce type de situations, alors ça fait chavirer le bateau  ! Le pape François appelle très souvent au discernement, aux nouveaux évêques, aux séminaristes, à toute l’Eglise. Le Synode des jeunes appelle à s’intéresser au discernement... que l’esprit des exercices spirituels de saint Ignace s’invite au Synode  ! Des chrétiens capables de discerner selon les exercices c’est peut-être la plus grand des nécessités. Le pôle paroissial va commencer. Voudrions-nous entrer dans cette école  ?

P. Paco ESPLUGUES