Décembre 2019 : « Les cigognes de St Agricol pourraient-elles revenir ? »

2 décembre 2019

Par le Père Paco Esplugues, curé

Le pape François disait ces derniers jours : « L’intégrisme est la peste et toutes les religions ont quelque frère intégriste ». Je dirais qu’il peut y avoir aussi des intégrismes dans certaines manières de vivre la pastorale catholique.

La tradition dit que saint Agricol fit partir la peste en priant Marie. Les cigognes sont venues enlever les serpents morts et la peste s’en est allée". Nous nous demandons, en entendant le pape parler de la peste des intégrismes, si les cigognes pourraient revenir ? Les intégrismes sont toujours des raccourcis. Avec les apparences du bien... on absolutise un aspect : le but ou le chemin pour arriver au but. Le chemin intégral vers le Royaume est très différent des raccourcis pris souvent comme des recettes pour y parvenir. En même temps, beaucoup de personnes ne prennent jamais le chemin parce qu’on leur présente un cap, tellement inaccessible qu’elles n’osent même pas commencer. Quand on indique à quelqu’un tout ce qu’il doit faire pour être pleinement en forme, il peut s’effrayer et ne pas commencer du tout. En revanche, s’il le fait, il s’aperçoit que son chemin devient peu à peu fécond et il se motive pour avancer.

La psychologie n’est pas la psychothérapie. Le psychothérapeute enseigne à la personne le langage des premiers pas qui déclenchent le processus de guérison... mais déclencher le processus ne suffit pas. Le psychologue, lui, enseigne les buts à atteindre mais il n’aura aucun résultat s’il ne gagne pas l’adhésion du malade ! Tous les intégrismes ecclésiaux ressemblent au faux débat qui s’établirait entre le psychologue et le thérapeute, leur coopération étant pourtant essentielle. Exclure l’autre qu’on considère défaillant, voilà l’intégrisme. Si dans « l’église en sortie » on oublie que l’essentiel est la vie divine accueillie et partagée, on va à l’échec total. Si l’essentiel de la vie surnaturelle décourage les hommes jusqu’au point qu’ils ne commencent même pas à marcher, on va aussi à l’échec total. Les intégrismes excluent les articulations nécessaires et c’est la peste...

Les cigognes ne pourraient-elles pas revenir ?

Il y a l’intégrisme des processus du 1er pas (favorisé par tous les médias globalisateurs), est d’autant plus mauvais qu’il vient de dogmatiques « dictadouceureux », les tenants intolérants de la tolérance. Ces derniers attaquent systématiquement ceux qui rappellent que le 1er pas accompli n’est rien s’il ne déclenche pas les suivants ! Le salut n’arrive qu’en envisageant la traversée du seuil de la mort (les croix, et toutes les petites morts quotidiennes de nos vies).

Les dogmatiques du 1er pas croient très souvent que celui-ci suffit... et que les autres ne sont que du rigorisme pharisaïque. Cet Intégrisme est d’autant plus aveugle que sans le plein accueil du salut, les premiers pas ne servent à rien. Ils ne sont que l’esprit du monde déguisé en foi... Les égos ne sont pas du tout libérés de leur solitude mortelle... et bien que ne parlant que de tolérance, ces dogmatiques sont les plus intolérants de tous ! Ceci est le dogmatisme du démon ! Cet intégrisme est la peste parce qu’il ne fait pas mûrir la foi. Il n’est que reflet des paillettes médiatiques du moment... Parmi eux il y a l’intégrisme de ceux qui voient davantage leurs ennemis que la construction du corps du Christ. Ils sont offusqués dès qu’ils voient ceux qu’ils appelent "tradi" : « encore la messe en latin... Encore l’adoration du saint sacrement, encore le chapelet... » Ils ne voient pas que derrière leur modernité il n’y a plus autre chose qu’un champ désertique. Leurs enfants sont devenus des consuméristes avec le label d’écologistes et en même temps ils n’ont ni la foi ni l’espérance. 

Il y a aussi les intégristes « kérygmatiques ». En fait, les efforts qu’ils déploient pour la évangélisation, dans le désir de rejoindre les jeunes « autrement », de façon significative pour eux, sont très louables. Ils ont assimilé leurs langages : la culture de l’émotionnel et des décibels. Le ressenti comme mesure de l’humain réussi. Cette culture moderne faite d’effervescence de l’instinct est-elle visitée par le Christ ? Oui. Bien sûr ! Est-il nécessaire que le Christ visite les boîtes de nuit ? Oui. Mais pas pour en rester là. La louange et ses décibels peuvent-ils être une porte ouverte vers l’accomplissement du cœur ? Oui, à condition qu’’ils passent par la Vérité qui donne la vrai Liberté. Non, si elle reste émotivité exacerbée. Terre favorable à la dérive de L’Éros non purifié par la Vérité. Cet intégrisme se manifeste dans l’exclusion de ceux qui, prenant au sérieux la Vérité et la Volonté libérées des instincts, trouvent dans le silence et dans la voie silencieuse de la morale objective et de la sainteté, l’apport intégral de l’évangile aux hommes.

Il arrive souvent aux tenants de cet intégrisme, de s’étonner que ses principaux leaders vivent des situations sexuelles malsaines. Des jeunes hyper-motivés vivent en même temps des manifestations religieuses très visibles et des situations morales pas du tout cohérentes. Est-ce étonnant ? N’est-ce pas le fruit de leurs raccourcis de base ? Le problème n’est pas dans le chemin pris pour toucher les jeunes mais dans l’esprit intégriste qui critique l’essentiel de la vie surnaturelle... Ils ignorent les chemins ordinaires vers la sainteté, qui eux, n’ont pas changé. Cet intégrisme impose ses voies aux autres Il considère que le chemin de sainteté, intégrant toute la vie dans le silence et la morale qui mène à l’être humain selon Dieu, n’est que « perte de l’esprit missionnaire ». Pire encore, les pasteurs qui doivent veiller à l’intégralité de la croissance de l’église sont parfois, eux-mêmes, soumis à la dictature du bruit, en excluant le reste. Dieu nous livre de cet aveuglement !

Les cigognes pourraient-elles revenir pour faire disparaître ces serpents qui apportent la peste et la stérilité à l’Église ? Oui. A condition, qu’au lieu exacerber les différences, il y ait des pasteurs selon le cœur de Dieu. L’antidote se trouve en Marie, mère de l’Église... Elle a écouté l’évêque saint Agricol et, comme le fait une vraie mère, elle invite les pasteurs d’aujourd’hui, à l’écouter pour dépasser l’intégrisme de tout bord et valoriser dans l’église, les chemins adéquats de chacun au service de la croissance de tout le Corps, jusqu’à ce que nous arrivions tous à la plénitude du Christ. 

Marie nous t’en supplions intensément... « Que reviennent les cigognes ! »

Erreur 404 - Paroisse Saint Agricol - Avignon