Février-Mars 2022 : « L’Exode, matrice de notre Carême » 

7 mars 2022

A la petite collégienne qui me disait que le « carême » d’une autre religion était plus sérieux que le nôtre, j’ai eu un sursaut intérieur. Non tant par la comparaison, puisque la nature et les chemins ne sont pas les mêmes, que par la réalité de chrétiens inconscients de ce que nous avons en main. Et le risque que nous avons de rendre inutile la grâce qui nous est faite. 2Cor6. Puisque ce temps de Carême est bien un temps de préparation à mieux accueillir une victoire (Pâques) qui est déjà à l’œuvre. C’est aussi par définition l’antidote nécessaire pour traverser justement les menaces continues que la réalité nous inflige.

Le Covid semble passer (quoique), et la menace des conséquences de la guerre d’Ukraine, polluent notre vie quotidienne. L’Eglise reste affectée par le discrédit énorme de beaucoup de ses membres là où ça fait le plus mal : la moralité de ses ministres et surtout l’incapacité de réponse et la mollesse de ceux qui devraient réagir face aux comportements criminels. Le carême ne peut pas passer à côté de ces trahisons humaines qui travaillent notre présent jusqu’à nous empêcher de voir la victoire émerger. Le temps de Carême c’est un temps de réalisme et de vérité, qui nous place en metanoia, c’est à dire, à reconnaître et à réaliser comment le Christ est en train de faire émerger juste dans ces chapes de plomb lourdes, la victoire transfigurante de sa Pâque.

Son œuvre puissante est intérieure, même si ces effets sont très visibles lorsque quelqu’un se dispose à les vivre. On peut voir les fruits quand mère Teresa est dans des mouroirs de Calcutta et qu’elle est rayonnante d’une puissance intérieure que la chape de plomb du système qui les « fabrique » ne saurait submerger. La mort n’est pas engloutie dans la vie de la nuit de Pâques. La vie est victorieuse sur toutes ces menaces et ses corruptions morales à la condition d’un Carême bien vécu (en son vrai sens) pas d’un carême confortable ou esthétique qui se limiterait à voir combien de chocolats on évitera en mars qui donnerait raison à notre collégienne pré-citée.

La nature du vraie Carême est celle de l’Exode. Et ce que nous apprivoisons en ce temps est l’accueil de la transfiguration de nos vies quand on se laisse accompagner par le Christ. Il est l’Époux qui vit « avec nous » notre exode, et le Pasteur qui nous mène vers les « Eaux tranquilles », non par l’absence de problèmes, mais parce que en le vivant avec Lui, ils sont transformés. Cela est d’autant plus vrai que les brèches et les insuffisances, sont le lieu privilégié par lequel la transfusion de son sang nous rejoint ! Mais cela se passe sans bruit, dans le silence de l’intérieur. Dans la reconnaissance du Christ dans l’autre. Dans le dépassement des lâchetés morales, dans le chemin décidé vers la vertu.

Prière aumône et jeûne sont les « chiffres » qui indiquent les trois orientations décidées vers la suite du Christ. Plus on Le prendra au sérieux et plus nous ferons l’expérience de l’impuissance. Quand nous nous verrons face au mur, en nous tournant vers le Seigneur, l’expérience de son implication avec nous sera forte ! C’est paradoxal que ce soit en Exode que nous apprenons les merveilles de la terre Promise. Non tant parce que les problèmes aient disparu mais parce que la Synergie avec le Christ les transforme en Grâce. Le fruit à apprivoiser n’est pas à se payer de soi-même, mais à émerger, rayonnants au-dessus de toutes les chapes de plomb de nos soucis présents.

Prière, silence, austérité, solidarité avec les exclus, des chiffres d’une surabondance rayonnante.... Même dans un mouroir !

Bon Carême.

 P PACO ESPLUGUES