Novembre 2015

27 octobre 2015

« France : Réussis ta mort ! »

Ce titre un peu provoquant, sans doute, induit par le livre de Fabrice Hajadj « Réussir sa mort », me semble pouvoir constituer le noyau de notre chemin de novembre. Juste quand la liturgie nous met devant les réalités de la fin.

La Toussaint est tous les ans une halte sur la route pour nous rappeler que la réussite chrétienne est celle de mourir "très vivants", c’est à dire, d’apprendre à vivre progressivement dans le don de soi, libre et par amour. Dans ce sens « Réussir sa mort » constitue sans doute un défi fondamental du chrétien et de l’homme. Même si la mort est un événement que notre société essaye de cacher ou de "contrôler" par la maîtrise technique de ses conditions. De fait l’expression «  Réussir sa mort  » renvoi presque inconsciemment à cela. Pourtant ce n’est pas en la cachant qu’on la réussit... Mais en habituant le regard à l’accueil de la vie donnée du Christ et du coup en accueillant le don de résurrection personnalisée qu’il nous fait par le baptême. Mais cette réflexion personnelle (« Réussissons notre mort ») se redouble en ce moment précis de notre histoire d’un appel collectif.

« France, réussis ta mort ! » Phrase provoquante, qu’il faudrait sûrement décortiquer, mais qui a maintenant une énorme pertinence. Bien sûr il ne s’agit pas d’un appel à perdre l’identité nationale... l’appel à réussir la mort comme pays résonne de façon d’autant plus alarmante qu’on a l’impression que "nous sommes un pays en train de mourir". Beaucoup d’écrivains au top, ne se lassent pas de le dire, Finkielkraut, Zemour, etc. Dans cette perspective « France réussis ta mort » équivaudrait à dire « faisons un pas de plus vers l’anéantissement ». Et non il ne s’agit pas de cela. Mais bien au contraire, « réussir sa mort » comme pays, il serait de s’éveiller aux raisons profondes d’une vie qu’on sait recevoir et qu’on a des raisons profondes de la donner !

« Réussir la mort » comme pays c’est une invitation à dépasser la médiocrité ambiance que nous sommes en train de fabriquer comme pays. Nous sommes une culture en vieillissement, sans des raisons profondes qui la construisent dès l’intérieur. Nos enfants ont-ils des raisons pour vivre et pour mourir ? Visiblement non. Leurs moteurs, dans la culture que nous leur transmettons, sont incapables de construire une société : le ressenti et la sécurité de s’installer dans le système…, sont incapables d’« enchanter un pays ». 

"Tous les totalitarismes se fondent dans l’humus de la médiocrité d’un pays" (H. Arendt). S’il n’y a pas la possibilité de regarder en face la vie et la mort, et de leur donner du sens, l’enfermement dans le présent n’a pas assez de consistance pour « réussir la vie ».

« France réussis ta mort » ne signifie, peut-être pas, de reprendre les valeurs de la patrie et mourir pour elle en bataille. Mais c’est sûr que si on forme un pays avec des raisons plus profondes que le consumérisme et le subjectivisme, on aura du coup une plus grande conscience des propres valeurs et des racines profondes à activer !

« France réussis ta mort  », c’est sans doute un appel collectif à la sainteté (vraie réussite de la mort)... Mais il ne résonnera pas comme une évasion mais comme une vraie percée dans les fibres malades d’une société "pseudo-tolérante", mais qui est en train d’avaler ses meilleurs jeunes dans la désespérance ou dans des divers fanatismes.

Des chrétiens qui réussissent leur mort par amour seront le ferment dont nous avons le plus besoin pour guérir note société de l’intérieur. Des « minorités créatives » comme disait le pape Benoît XVI en son voyage en République Tchèque, que conscientes de la vie et la mort, et donc capables de grandir dans la raison de la charité et de la partager peuvent redonner une vraie espérance.

Du coup adorer le Christ tout donné, méditer la parole de la vie éternelle, se former pour vaincre les résistances propres et des autres dans l’« école de la mission » deviennent des piliers centrales de cette réussite ! France, Occident, réussiras tu ta mort ? Ou mourras-tu vraiment ?

P. Paco Esplugues, curé

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