Novembre 2020 : « Des prisons à la liberté : L’école des Saints »

20 novembre 2020

Par le Père Paco Esplugues, curé

Par le père Paco Esplugues

Nous voici reconfinés. Terrorisés parfois chez nous, confinés, coincés par la peur de perdre la vie. Ne sommes-nous pas aussi entravés par les prisons de l’âme, par l’autocensure ? Coincés aussi par les désirs de riposte qui naissent dans notre intérieur face à tant de violences gratuites ? Oui nous sommes confinés, coincés, profondément blessés, … « Cette amertume amère » peut-elle « nous conduire à la paix » ? Lors du confinement précédent, la première lecture de la messe de ce weekend était : Dieu est-il présent dans nos épreuves ? Ce deuxième confinement commence avec les lectures de la Toussaint : dans l’école des Saints. « Ce que nous sommes ne s’est pas encore manifesté pleinement… ».

Peut-être que les épreuves qui nous assaillent peuvent-elles nous offrir des pistes en vue d’un plus grand bien ? Je voudrais vous offrir quelques réflexions sur le bien du confinement, il faudrait peut-être les glaner doucement...ce sera peut-être pour plus tard ! À l’école du confinement, on va pouvoir apprendre et approfondir combien dans un petit espace, il y a tout un monde qui se cache. En fait quand on vit à l’extérieur de soi, on consomme la réalité (ou la télé réalité), on se laisse former par elle, on réagit aux situations et on fait beaucoup moins attention à ce qui nous fait vraiment vivre. Souvent la réalité nous « bouffe la vie » et on a l’impression qu’on ne peut pas faire autrement : ainsi on se maltraite soi-même. Et dans cette voie, le confinement peut en rajouter et c’est ce qui se passe pour beaucoup. Soudain on ressent le syndrome du manque, celui-ci devient alors un facteur de maladies psychiques, comme le constatent beaucoup de psy et de travailleurs sociaux.

Et pourtant le confinement pourrait être aussi un lieu privilégié de croissance, le « développement de l’homme intérieur  » (Ep 3,16), pas seulement un lieu de résilience, mais encore un lieu de vrai recentrage de nos vies. Pour une vraie croissance ! A quelle condition demanderions-nous ? Entrer dans l’école des grands priants. C’est souvent en prison qu’ils se sont éveillés aux merveilles de leur intérieur. Apprendre à rendre grâce pour tous les cadeaux du présent, souvent nous ne les voyons même pas et passons à côté comme si tout allait de soi. Et surtout apprendre à poser le regard sur Celui qui nous habite. Non pas dans un moment de prière clignotant mais en permanence. Jn 15,15. Profitons de ce temps, pour en faire un temps privilégié pour vous éveiller à la présence amoureuse de celui qui donne la Vie pour nous.

Lui notre prisonnier. Quand on s’éveille à ce qu’il vit en nous et pour nous, L’âme prend des élans incroyables. Elle devient présente à ce que Dieu veut nous donner. Et on devient vraiment présents à tous et à tout. Les lectures de cette fête de la Toussaint sont une vraie entrée à l’école libératrice du confinement « les béatitudes » : reflets des grilles qui verrouillent l’âme transformées en fissures qui laissent émerger le ciel. L’école des Saints est l’école de ceux qui ont lavé leur regard pour voir autrement. Voir comme nous sommes vus. Les grilles de la prison de l’âme sont nos carences, nos pauvretés, nos larmes, la violence aussi et le harcèlement, l’injustice, la misère.

Mais aussi la prison des sens qui nous dominent, L’angoisse et l’absence de paix. Les persécutions par des ego surdimensionnés et enfin le mépris de notre intimité profonde. L’école de l’agneau immolé désamorce les grilles de ces prisons de l’âme et fait émerger celui qui du dedans fait émerger la liberté de l’amour. A chaque grille une béatitude. Pour Étty Hillesum, Jean-Paul Kaufman, Jean de La Croix, Maximilien Kolbe, la prison fut le lieu, pour eux, de découvrir Dieu notre prisonnier. Cela fait naître la merveille d’une vie qui ne fait pas qu’effleurer la réalité ou simplement la consommer en allant d’émotions en émotions...non. Cela permet de Vivre la vie avec les motivations et l’intensité du vrai Amour. La donner totalement. Comme disait Thérèse d’´Avila fruit de voir Dieu son « prisonnier » : "Muero porque no muero" !