Décembre 2014

10 décembre 2014


« Ce n’est pas la voix qui prend la Parole c’est la Parole qui prend la voix »

Sans doute après la Vierge Marie, la grande figure du temps de l’Avent est celle de Jean-Baptiste. Méditer sur ce saint est un grand atout pour notre vie de chrétiens aujourd’hui. Sa qualité principale est la transparence. Jean est celui qui s’efface. Il prépare la voie au Seigneur et ensuite il se retire. Il le proclame comme l’agneau de Dieu, mais il n’est que le doigt qui le montre. Il forme ses disciples, mais il les oriente vers Jésus. S’ils le surprennent il justifie son attitude : « il faut qu’il croisse et que moi je diminue » (Jn 3,30). Il nous est alors facile d’imaginer que c’est à cela que pensait saint Augustin dans son homélie sur la voix et la parole : le plus important ce n’est pas le son, mais ce qui est dit. De ce point de vue, Jean ressemble à Marie. Hors de la relation totalement orientée vers Jésus ils ne nous apporteraient rien.


Comme Jean-Baptiste, comme la Vierge Marie, nous avons à réapprendre sans cesse à nous orienter vers Jésus. C’est dans cette perspective qu’imiter l’attitude de Jean peut nous faire du bien. S’il n’était que le doigt qui montre Jésus, que pouvons-nous espérer de mieux ?... S’il n’était que la voix, que sommes-nous de plus ?... L’homélie de Saint Augustin peut être une belle méditation pour notre temps vers Noël. Si jamais nous pouvions devenir voix du Dialogue d’Amour que Dieu a avec nos frères et sœurs, Noël deviendrait alors une vraie source de joie non superficielle mais profonde :


« Jean était la voix, mais le Seigneur au commencement était la Parole. Jean, une voix pour un temps ; le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle. Enlève la parole, qu’est-ce que la voix ? Là où il n’y a rien à comprendre, c’est une sonorité vide. La voix sans la parole frappe l’oreille, elle n’édifie pas le cœur.


Cependant, découvrons comment les choses s’enchaînent dans notre propre cœur qu’il s’agit d’édifier. Si je pense à ce que je dis, la parole est déjà dans mon cœur ; mais lorsque je veux te parler, je cherche comment faire passer dans ton cœur ce qui est déjà dans le mien. Si je cherche donc comment la parole qui est déjà dans mon cœur pourra te rejoindre et s’établir dans ton cœur, je me sers de la voix, et c’est avec cette voix que je te parle : le son de la voix conduit jusqu’à toi l’idée contenue dans la parole ; alors, il est vrai que le son s’évanouit ; mais la parole que le son a conduite jusqu’à toi est désormais dans ton cœur sans avoir quitté le mien.


Lorsque la parole est passée jusqu’à toi, n’est-ce donc pas le son qui semble dire lui-même : Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue ? Le son de la voix a retenti pour accomplir son service, et il a disparu, comme en disant : Moi, j’ai la joie en plénitude. Retenons la parole, ne laissons pas partir la parole conçue au fond de nous. Il est difficile de distinguer la parole de la voix, et c’est pourquoi on a pris Jean pour le Christ. On a pris la voix pour la parole ; mais la voix s’est fait connaître afin de ne pas faire obstacle à la parole. Je ne suis pas le Messie, ni Elie, ni le Prophète. On lui réplique : Qui es-tu donc ? Il répond : Je suis la voix qui crie à travers le désert : Préparez la route pour le Seigneur. La voix qui crie à travers le désert, c’est la voix qui rompt le silence. Préparez la route pour le Seigneur, cela revient à dire : Moi, je retentis pour faire entrer le Seigneur dans le cœur ; mais il ne daignera pas y venir, si vous ne préparez pas la route.


Que signifie : Préparez la route, sinon : Priez comme il faut ? Que signifie : Préparez la route, sinon : Ayez d’humbles pensées ? Jean vous donne un exemple d’humilité. On le prend pour le Messie, il affirme qu’il n’est pas ce qu’on pense, et il ne profite pas de l’erreur d’autrui pour se faire valoir.

S’il avait dit : Je suis le Messie, on l’aurait cru très facilement, puisqu’on le croyait avant même qu’il ne parle. Il l’a nié : il s’est fait connaitre, il s’est défini, il s’est abaissé. Il a vu où se trouvait le salut. Il a compris qu’il n’était que la lampe, et il a craint qu’elle ne soit éteinte par le vent de l’orgueil. » (Homélie de Saint Augustin pour la nativité de Jean-Baptiste).

P. Paco Esplugues, curé