Méditation vers Pâques

18 mars 2016

« Méditation devant la Croix » par un paroissien

Ô Croix !

Vous m’avez donné la meilleure place. Au pied. Juste au pied de votre Croix. Un peu loin des regards mais sous le vôtre cependant. Je m’étonne de ce que mes pieds baignent dans les immondices.

On ne place pas des choses immondes au pied de notre Seigneur. Saint Jean me dit qu’il s’agit là des pêchés du monde et que c’est leur place comme c’est la mienne, là.

Mes pêchés sont à vos pieds, passés, présents et futurs comme dans un paquet qui contiendrait tout de moi, posé, offert, caché. Mon seul cadeau pour votre Passion : mes pêchés passés, présents et futurs.

Vous ne dîtes rien mon Dieu.

Ils aimeraient que vous parliez ceux qui sont autour, pas ceux autour de vous, ceux autour de moi qui spéculent, annoncent, offrent, vendent ce que vous allez faire, ce que vous allez devenir.

Les crédules lèvent la tête attendant de vous voir descendre du bois de la croix. Les indécis regardent derrière eux pour savoir qui les observent. Les taiseux-honteux regardent leurs pieds. Les triomphants garants de votre mort vous dévisagent de leurs petits yeux noirs et cruels. Les gardes regardent ailleurs repus de malheur et de chairs mortes. Ils ne sont pas nombreux les curieux.

Il est tard depuis ce matin. Vous n’avez rien fait d’autre de plus ou de moins que les deux suppliciés qui vous entourent ou ceux qui vous ont précédé : vous agonisez comme n’importe qui. Alors déçus d’un spectacle si joué et si donné ils sont rentrés chez eux. Vous ne leur dîtes rien mais moi vous me dîtes dans un murmure, un souffle : « Regarde moi ». Marie votre Mère admirable a entendu. Saint Jean proche d’elle n’a pas répondu. Elle, elle sait de toute éternité que chaque seconde de votre agonie sera pour moi une seconde d’éternité si je lève mon regard pour croiser le Vôtre. Elle le sait.

Ce matin à la seconde chute de son Fils elle a croisé son regard. Elle sait. Fausse honte, fausse humilité, fausse indignité ma nuque raide refuse de bouger. Un second souffle descend de la croisée des poutres où vous êtes cloué : « N’aie pas peur. Regarde moi ». Comme Pierre,qui d’ailleurs n’est pas là, je vous renie en moi et je suis prêt à bien plus que trois fois. Un troisième souffle : « Regarde moi,j’ai besoin de toi. » Ma tête obstinée se bloque vers le bas et contient mon cœur sous une roide pression. Marie votre Mère admirable vient vers moi, prends mon menton entre ses doigts blancs de froid d’attendre et doucement bascule ma tête vers l’arrière, porte mes yeux en haut,vers les vôtres caresse mon front et à l’oreille me murmure : « Laisse toi aimer ! ». Je vous vois. Mon Dieu que vous-ont ils fait ? Je ne parle pas de votre procès, il n’en est pas de plus indigne.

Tous les faux-témoins sont désormais enrichis à cent générations pour vous avoir vendu de peu de mots. Terribles mais efficaces mensonges. Pilate a tenté. Pilate a douté. « Ecce homo ». Et Juda ? Votre Juda. Pour si peu il vous a porté au prétoire. Mais la Vérité a déserté les couloirs du Pouvoir depuis longtemps. Mon Dieu que vous-ont ils fait ? Ces deux fines fentes au milieu des boursouflures noires, jaunes et mauves ce sont vos yeux mon Dieu ? Et vos cheveux collés de sang et du sable du chemin où par trois fois vous êtes tombé. Et que sont ces longues stries rouges profondes d’un sang noir caillé sur votre torse et qui comme des anguilles s’enfuient vers votre dos ? Et ce sillon profond sur votre épaule que l’on devine, sanguinolent et béant comme une charrue en laisse ? C’est la poutre mortelle que vous avez dû porter sur le pavé, c’est elle qui vous a ainsi marqué comme un fer de forçat. Au té de la poutre verticale on a lié vos bras par crainte que votre poids ne déchire vos poignets, vos jointures où deux grossiers clous pénètrent. Vos jambes sont repliées, on vous dirait un improbable nouveau-né debout, comme pour comprimer plus encore votre souffle. Et là dans le souci d’une économie sordide, ils ont réuni vos pieds pour ne les percer que d’un seul clou, un seul clou pour deux pieds.

Mon Dieu que vous-ai je fait ? Votre tête penchée vous me contemplez et moi je ne fais que vous regarder car je ne sais pas encore vous contempler et encore moins vous adorer. Le pourrai je ? Le sang séché, caillé, épais couvre le bas de votre visage, les épines ont fait leur œuvre mais les petits ruisseaux rouges se sont taris. Depuis la veille vous n’avez pas pu dormir : questions, crachats, réponses, coups, blasphèmes, flagellation, pas une seconde de répit pour votre corps humain et votre divin cœur. Deux moments de répits seulement : couronné d’épines qui chacune pénètre votre front et votre précieux sang qui aveugle vos yeux, « Ecce Homo » : Pilate vous fait asseoir pour vous questionner. Assis, enfin assis. 

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